Meurtre de Jennifer Charron : les éléments clés d'une affaire hors normes

Publié le 17 Décembre 2011

Auteur   Ronan Chérel 1 commentaire(s)

Le verdict de la cour d'Assises de la Charente-maritime est attendu dans la soirée

Abdelaziz Seridi et ses défenseurs, Me Satta et Me Moulineau|| Ronan Cherel Le juge d'instruction Serge Rey, entendu comme témoin|| Ronan Cherel Elisabeth Giraud, la mère de Jennifer Charron, et son défenseur Me Lagrave|| Ronan Cherel Le chemisier de la victime, qui avait été utilisé pour lui lier les mains|| Ronan Cherel

Abdelaziz Seridi et ses défenseurs, Me Satta et Me Moulineau
( Ronan Cherel )

Abdelaziz Seridi et ses défenseurs, Me Satta et Me Moulineau|| Ronan Cherel
Le juge d'instruction Serge Rey, entendu comme témoin|| Ronan Cherel
Elisabeth Giraud, la mère de Jennifer Charron, et son défenseur Me Lagrave|| Ronan Cherel
Le chemisier de la victime, qui avait été utilisé pour lui lier les mains|| Ronan Cherel
 

Dernière journée du procès d'Abdelaziz Seridi, accusé du meurtre de la jeune Jennifer Charron. L'avocat général devrait débuter son réquisitoire en début d'après-midi, suivi des plaidoiries des avocats des parties civiles puis de la défense, avant que le jury ne se retire pour délibérer. Retour en questions sur "l'affaire Jennifer Charron".

Dans l'hypothèse où l'un ou l'autre a bien asséné un violent coup de pierre mortel à Jennifer Charron, dans la nuit du 27 au 28 avril 2007, dans un coin reculé du bois de la Chèvre à Saint-Sulpice-de-Royan, qui d'Abdelaziz Seridi, dit Samir, ou de José Nuno Mendes Abrantes, est le meurtrier de cette jeune fille dans la fleur de l'âge ?

José Nuno Mendes n'est plus là pour répondre aux lourdes accusations portées sur lui. Samir est jugé seul, depuis lundi, devant la cour d'assises de la Charente-Maritime, à Saintes. Ce soir, peut-être tard, les neuf jurés rendront leur verdict : coupable ou non coupable d'avoir "volontairement donné la mort à Jennifer Charron".

Son discours confus, ses digressions permanentes, ses souvenirs parcellaires, ses oublis ne plaident pas en faveur d'Abdelaziz Seridi. Les experts psychiatres décrivent une personnalité "fuyante, opportuniste, se jouant des règles sociales". "Une espèce de parasite urbain qui vit dans la jouissance immédiate", a dit de lui, jeudi, le juge qui a instruit l'affaire, Serge Rey. Une personnalité tortueuse ne fait pas automatiquement d'un homme le coupable d'un meurtre.

1. Existent-ils des "charges suffisantes" pour étayer la thèse de la culpabilité d'Abdelaziz Seridi ?

Des éléments instillent le doute sur les dénégations de Samir: son ADN retrouvé, mélangé à celui de Jennifer, de Mendes et d'autres, sur le chemisier de la victime, mais surtout au bas du jeans de Jennifer, une tâche de sperme. L'accusé l'explique par un "câlin" qu'il aurait échangé avec son ex-petit ami une "dizaine de jours" avant le meurtre. Son emploi du temps, également, comporte aussi un "trou entre 0h30 et peut-être 3 heures du matin" la nuit du meurtre, dixit le juge d'instruction.

Mais une tâche de sperme, même déposé après le lavage du jeans, le lundi 23 avril, "ne témoigne jamais que d'un rapport sexuel, pas d'un meurtre", relève Serge Rey. L'emploi du temps flottant ? Les témoignages des habitants de la cité de la Robinière ont été trop flous, parfois même contradictoires, pour être probants sur une absence de Samir de la Robinière dans la nuit. "L'enquête n'a pas démontré que M. Seridi avait quitté la cité cette nuit-là", a même souligné en début de matinée, ce vendredi, l'adjudant-chef Stéphane Marie, de la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers, qui a dirigé l'enquête.

2. Qu'est ce qui incrimine directement Samir dans le meurtre de Jennifer Charron ?

Essentiellement, en fait, les déclarations de José Nuno Mendes. Des déclarations, rappelait jeudi à la barre le juge Serge Rey, que Mendes à constamment fait évoluer au fil de l'instruction. De la dénégation totale d'avoir ne serait-ce connu, même de vue, la victime à la révélation d'un scénario que ne renierait pas un réalisateur de film à suspense.
Le récit de sa soirée à Royan par José Nuno Mendes est émaillé de contradictions, que n'ont pas manqué de relever deux témoins de poids, le juge d'instruction et le directeur de l'enquête. Contradictions qu'ont mot également en relief deux autres témoins cruciaux : la propre compagne de Mendes à l'époque, Julie Thomas, et Mickaël Ruiz, le meilleur ami de l'ex-accusé.

3. Qu'a expliqué Mendes, une fois qu'il a admis qu'il avait bien passé une partie de la soirée avec la victime ?

En substance, Mendes raconte avoir croisé Jennifer en fin d'après-midi le 27 avril, avenue Maryse-Bastié. Jennifer, qu'il connaissait soit-disant de vue, ce que contredit le témoignage de Mickaël Ruiz. Mendes a obtenu de Jennifer son numéro de portable, a rappelé la jeune femme à 23h37 d'une cabine téléphonique d'une rue située à proximité immédiate du front de mer, où Jennifer venait de quitter son service dans le restaurant où elle travaillait depuis le 20 avril. En la rejoignant sur la Tâche Verte, Mendes l'aurait trouvé avec Abdelaziz Seridi et deux amis de ce dernier, jamais identifiés, pas plus que n'a été retrouvée la Golf verte dans laquelle ils seraient arrivés.

Après un passage sur la plage de la Grande conche, en face du front de mer, pour fumer un joint tous ensemble, vers 23 h 45 / 0 h, Mendes dit avoir fait un crochet par un autre bar avant de se rendre au Dransard, un pub de Saint-Pamais-sur-Mer, à 7 km du centre de Royan. Là, il aurait trouvé Jennifer seule, attablée devant un café noisette. Il était 0 h 20. Sans voiture, Jennifer aurait parcouru 7 km en une vingtaine de minutes, à pied. Alors qu'elle projetait de rentrer se coucher juste après son travail, avait-elle assuré à ses collègues et à un ami croisé en chemin juste après qu'elle a débauché.

Seraient alors arrivés, toujours selon Mendes, "l'ex" de Jennifer, toujours avec deux amis. Samir s'en serait pris verbalement à Jennifer. Mendes se serait interposé. Une scène dont n'ont gardé aucun souvenir les serveurs du bar. Le petit groupe serait alors parti s'expliquer sur le parking de la plage de Nauzan, à quelques centaines de mètres. Mendes aurait désarmé Samir de son couteau, avant de laisser la clique régler ses histoires entre elle.

Le reste de sa nuit,José Mendes à déclaré l'avoir consacré à commettre un cambriolage à Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet, avec deux connaissances, dont l'introuvable Momo.

Cet épisode du cambriolage, Mendes l'a avancé le matin même à sa compagne pour tenter de justifier sa nuit hors du domicile, mais aussi les "coulures de sang entre les doigts" de Mendes remarquées et décrites plus tard aux enquêteurs par Julie Thomas, les traces de boue sur le bas de caisse de la voiture, que Mendes a demandé à sa compagne de laver, coffre compris, le matin même.

4. Abdelaziz Seridi et José Nuno Mendes ont-ils pu être complices dans ce meurtre ?

Pour Mendes, Samir a d'abord été "Karim", un homme petit et râblé. Première ombre sur la réalité des éventuels liens de connaissance entre les deux hommes. Certes, José Mendes et Samir fréquentaient des établissements communs, bars, bureau de tabac. Royan, ceci dit, reste une petite ville. Après moult investigations, après avoir "examiné la téléphonie des deux sur un an et même deux mois et demi après le meurtre, nous n'avons trouvé aucun lien entre José Nuno Mendes et Abdelaziz Seridi", a témoigné ce vendredi matin Stéphane Marie, le directeur d'enquête.

Aucun élément ne rattache non plus Samir à la scène de crime. Certes, son ADN a été retrouvé sur le chemisier et le pantalon de la victime, mais cette dernière a été sa petite amie pendant deux mois et tous les témoins entendus au cours du procès ont confirmé qu'aucun motif connu de contentieux n'existait entre eux.

L'ADN de José Mendes, en revanche, outre sur le chemisier, apparaît aussi sur une étiquette du sac à main de Jennifer. Cette étiquette extraite sans doute accidentellement du sac a été retrouvée à côté du corps. Les "coulures de sang" sur ses doigts intriguent aussi. Ce sang aurait été celui de l'un de ses complices, blessé par un coup de fusil lors du "cambriolage", dont les enquêteurs n'ont jamais retrouvé la moindre trace.

Et s'il n'a pas utilisé sa voiture pour ce cambriolage, comment Mendes pouvait-il expliquer ces projections de boue sur un véhicule lavé... la veille. Un endroit boueux, le dossier en connait un, le chemin menant au terrain où Jennifer Charron a été tuée. 

Autre élément troublant: le portable de Jennifer a cessé d'émettre un peu avant 2 heures du matin. Il a déclenché le relais téléphonique de La Palmyre à 1h28. Le portable de José Mendes a déclenché ce même relais, dans la même période.

5. Que répondront ce soir les jurés à la question qui leur est posée: Abdelaziz Seridi a-t-il volontairement donné la mort à Jennifer Charron dans la nuit du 27 au 28 avril 2007 ?

Le juge d'instruction Serge Rey s'étonnait jeudi, hors audience, qu'on "renvoie devant une cour d'assises deux hommes pour le même chef d'accusation de meurtre. Un seul a tué, un seul a porté le coup à la tête." Cet unique meurtrier peut-il être Abdelaziz Seridi ? La réponse du jury dépendra forcément, pour partie, de la lecture qu'auront les jurés des explications données en son temps par José Nuno Mendes. Et s'ils estiment ce dernier impliqué dans la mort de Jennifer, quel place prêteront-ils à Samir dans cette hypothèse ? Réponses attendues dans la soirée.

Saint-Sulpice-de-Royan · Royan · Faits divers · Charente-Maritime · justice
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Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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