Affaire Bettencourt : passes d’armes et échanges acides

Publié le 4 Septembre 2009




"Dossier n° 13, M. Banier…", annonce la présidente de chambre du tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine), Isabelle Prévost-Deprez.

Dans la salle bavarde et dissipée, le silence, soudain, se fait. C'était, jeudi 3 septembre, la première audience de ce qui est déjà devenu l'"affaire Bettencourt", ce conflit qui oppose Françoise Meyers-Bettencourt, la fille unique de l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, à l'ami de celle-ci, le photographe François-Marie Banier qu'elle accuse de profiter financièrement de la vulnérabilité de sa mère. Le montant des dons divers dont ce dernier a bénéficié de la part de Liliane Bettencourt est évalué à plus d'un milliard d'euros.

 

L'audience dite de consignation devait être purement technique, mais la personnalité des requérants lui a donné un tour singulier. Cette première étape ouvrirait-elle la possibilité d'un procès, comme le souhaite la fille de Mme Bettencourt ou signerait-elle l'échec de cette tentative, pour le soulagement de M. Banier et plus encore peut-être, de Liliane Bettencourt ?

D'un air gourmand, la présidente se tourne vers Me Olivier Metzner, l'avocat de Mme Meyers-Bettencourt, qui est à l'origine de la demande de citation directe du photographe devant le tribunal. "Pourquoi cette procédure ?", lui demande-t-elle.

"J'ai déposé plainte dix-huit mois auparavant. Une enquête préliminaire a été ordonnée et le parquet semble avoir quelques hésitations sur la suite à lui donner…, répond l'avocat. Françoise Meyers-Bettencourt, inquiète pour sa mère, qui a 87 ans, estime qu'il est temps que la justice se saisisse du dossier."

"Bien. Je crois que le parquet souhaite présenter des observations", poursuit la présidente qui se tourne vers la procureure, Marie-Christine Daubigney, dont l'intervention exceptionnelle donne la mesure de l'intérêt qu'accorde le parquet à cette affaire sensible.

Aussitôt, celle-ci manifeste sa ferme opposition à la procédure lancée par Me Metzner. "On ne saisit pas la justice comme on va au supermarché, explique la représentante du parquet. Pour que l'action publique soit mise en mouvement, il y a des règles, il faut que le préjudice subi par le particulier soit direct et certain."

Citant plusieurs arrêts de la Cour de cassation à l'appui de sa démonstration, Mme Daubigney conclut : "Françoise Meyers-Bettencourt n'a rien à faire aujourd'hui dans cette histoire là. Elle n'a pas la qualité de partie civile et ne peut se la voir admettre. C'est ce que je vous demande de dire aujourd'hui."

"LE DROIT D'ÊTRE ELLE-MÊME"

"Serait-ce à dire que la fille unique de Liliane Bettencourt devrait laisser sa mère se faire dilapider, manipuler par un homme et ne rien dire ?, réplique Me Metzner. N'est-ce pas son devoir d'intervenir voyant sa mère dans un tel état de dépendance ?"

Me Hervé Temime, qui vient d'être choisi par François-Marie Banier pour renforcer sa défense, intervient alors. A son tour, il soutient que la fille de Mme Bettencourt n'est pas en droit d'agir.

Sous l'œil approbateur de Me Georges Kiejman, nouvel avocat de Liliane Bettencourt et resté taisant, il observe : "Il y a des drames familiaux infiniment plus graves et qui ne viennent pas devant les juridictions pénales. Les poursuites que vous lancez dénient à Liliane Bettencourt le droit d'être elle-même !"

Après une rapide délibération, le tribunal décide que tout cela mérite bel et bien débat. Nouvelle audience le 11 décembre.


Auteur  Pascale Robert-Diard  Source  Lemonde.fr

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'hendaye

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