Affaire Cahuzac : les révélations d'un banquier repenti
Publié le 27 Mars 2013
Publié le 26/03/2013 à 06h00 | Mise à jour : 27/03/2013 à 10h48
Auteur Dominique Richard , pour SudOuest.fr
Un banquier suisse est décidé à aider la justice française. Il a apporté à la police judiciaire un témoignage qui pourrait se révéler déterminant.
Envoyer à un ami
>> Retrouvez la chronologie de cette affaire
>> Retrouvez toute l'affaire Cahuzac dans un eBook exclusif
Pour la justice, le doute n'est plus de mise. Même s'il date de douze ans, même s'il est de qualité relativement médiocre, l'enregistrement remis à la police judiciaire par l'avocat agenais Michel Gonelle, l'ancien rival politique de Jérôme Cahuzac en Lot-et-Garonne, est authentique. Les récits de plusieurs témoins et l'expertise scientifique de la bande-son concordent. Il y a de très fortes probabilités pour que la voix qui dit : « Cela me fait chier d'avoir un compte là-bas, UBS ce n'est pas forcément la plus planquée des banques », soit celle de l'ancien ministre du Budget.
Reste désormais à démontrer la réalité de ce fameux compte dont Jérôme Cahuzac nie farouchement avoir été le détenteur. Ouvert à Genève, il aurait été transféré en 2010 à Singapour, selon le site d'information en ligne Mediapart, dont les révélations sont à l'origine de l'affaire. Pour l'instant, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale n'a pu apporter la preuve irréfutable de son existence, même si elle a recueilli une déposition selon laquelle les sommes versées sur ce compte proviendraient de laboratoires pharmaceutiques.
Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, auxquels a été confiée l'information judiciaire, vont cependant pouvoir s'appuyer sur une contribution susceptible de se révéler déterminante. Celle d'un banquier suisse d'une quarantaine d'années, professionnel de la gestion de fortunes. Les policiers lui ont fait écouter le fameux enregistrement. Il pense avoir reconnu l'homme avec lequel parle Jérôme Cahuzac.
« Il y a des intonations de voix, des tournures de phrase qui me semblent être celles d'Hervé Dreyfus. Je n'en suis pas sûr à 100 %, mais cela me semble probable. Or, si effectivement c'est lui, cela crée un immense faisceau de présomptions de culpabilité étant donné ce qu'était la fonction d'Hervé Dreyfus auprès du groupe financier suisse Reyl », explique le financier genevois dans une interview accordée à Antoine Peillon, grand reporter au quotidien « La Croix » et auteur l'an dernier d'une enquête fouillée sur les mécanismes d'évasion fiscale employés en France par UBS (1).
Un système bien huilé
Selon Mediapart, Hervé Dreyfus, ancien cadre du Crédit commercial de France reconverti dans la gestion de fortunes, aurait noué des relations avec Jérôme Cahuzac dans les années 1990. Il aurait été son conseiller financier à l'époque où ce chirurgien de formation menait une lucrative activité de conseil auprès de firmes pharmaceutiques tout en dirigeant, avec son épouse, dermatologue, une clinique d'implants capillaires dans les beaux quartiers de la capitale.
Dans le petit monde de la finance genevoise, le nom d'Hervé Dreyfus est associé à celui de son demi-frère, Dominique Reyl. Ce dernier a géré pendant plus de vingt ans une société d'actifs financiers. Le banquier, qui s'est confié aux policiers, leur a expliqué qu'Hervé Dreyfus rabattait en Suisse, au profit de Reyl, des capitaux français. Il s'est surtout longuement appesanti sur le système mis en place, qui permettait de dissimuler l'identité des apporteurs de fonds.
Pendant des années, Reyl, qui n'était pas encore une banque, a ouvert à son nom dans divers établissements comme UBS des comptes dits « masters ». Ils permettaient de gérer sous une seule identité plusieurs sous-comptes. Dans les livres d'UBS, les patronymes des véritables détenteurs de capitaux n'apparaissaient jamais. Seul celui de Reyl y figurait.
« Le banquier genevois qui se propose d'aider la justice assure que Reyl a eu pour clients des personnalités politiques françaises de droite et de gauche et de grands capitaines d'industrie désireux de tromper le fisc, explique Antoine Peillon. Je sais qu'il a éclairé la police judiciaire sur des procédures techniques dont elle ne pouvait pas connaître l'existence. »
Voyage à Singapour
Il appartient désormais aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire d'explorer ces tuyauteries, avec le concours des autorités helvétiques. Pour peu qu'elles veuillent bien collaborer à des investigations susceptibles de jeter le discrédit sur un système bien trop accueillant pour les fraudeurs fiscaux. Les magistrats ne feront pas non plus l'économie d'un voyage à Singapour. À partir de 2008, les dirigeants des banques et des compagnies suisses, tétanisés par la remise en cause du secret bancaire, ont en effet ouvert des filiales dans ce paradis fiscal asiatique. Ce qui est allé de pair avec la création d'une couche supplémentaire de sociétés-écrans et de rideaux de fumée - toujours dans le même but : qu'il ne soit pas possible d'identifier le détenteur des fonds.
(1) « Ces 600 milliards qui manquent à la France » (Seuil).
- À lire aussi
- Affaire Cahuzac : le logiciel qui fait parler les voix
- La terre tremble en Cahuzaquie
- Jérôme Cahuzac : l'histoire de sa démission en vidéos
- Affaire Cahuzac : quatre mois d'enquête dans un eBook exclusif
IL Y A TROP DE MÉDECINS à L’ASSEMBLÉE !
OUI,l'hémicycle est truffé de cette CORPORATION "d’âpres aux gains" impossible à réformer qui s'immisce dans les arcanes du pouvoir pour mieux se protéger.
Les Dérives ne traînent pas !!
"
Je suis là moi aussi pour m'exprimer et non pour polémiquer.
Comme vous le mentionnez en effet c'est surtout le travail au "noir" qu'il faudrait éradiquer mais c'est une tâche énorme et quel gouvernement y parviendra?
Je ne suis pas trop optimiste pour l'avenir.
Là aussi ça censure dur?On verra bien.Allez A+
Pour ce qui est de la fraude sociale, n'oubliez pas que 80% de cette fraude est liée au travail dissimulé (surtout au noir) dans 3 grands secteurs: le BTP, la restauration et l'agriculture. La fraude aux prestations (qu'il faut bien sûr combattre) est relativement minime au niveau du coût pour le pays.
Auparavant je commentais sur un autre journal j'ai du arrêter car les injures fusaient de toute part.Je trouve que sur ce forum les personnes se respectent.
J'ai cliqué sur le lien donné par ViwiV,il est vrai que la fraude fiscale (selon son ministre) coûte plus cher à l'état que la fraude sociale.Il faudrait endiguer les deux car je connais des personnes qui perçoivent indûment des aides sociales et cela est inacceptable.
Maintenant que l'on soit de droite ou de gauche on peut défendre notre position du moins l'exprimer.
@couleuvre 2 Surprenant qu'en ayant fait du conseil à l'international, vous ayiez parié sur l'éclatement de L'Euro. Les chinois qui pilotent aujourd'hui les marchés monétaires internationaux ont compris depuis longtemps qu'ils avaient intérêt à maintenir un Euro et un Dollar fort pour continuer en fermant ses frontières à l'importation (taxes de 40 à 120% suivant les produits et même 200% sur le Cognac à un époque) à inonder les marchés mondiaux avec ses produits à bas cout. Le vrai soucis de l'Europe c'est que les hauts fonctionnaires ne l'ont pas encore compris et refuse toute mesure à l'encontre de la libre circulation des marchandises vers l'Europe. La semaine dernière, Bosch a annoncé la fermeture de toutes ses usines fabricant des panneaux photovoltaiques en Europe (usine Lyonnaise comprise) car non concurrentiel avec les chinois. Hors les chinois continue à subventionner massivement et ouvertement cette industrie stratégique sans que l'Europe ne réagisse.