Albanel nie avoir fait licencier un cadre de TF1 opposé à Hadopi

Publié le 8 Mai 2009

Par Augustin Scalbert |  Source Rue89.com


Jeudi matin, Libération révélait le renvoi d'un dirigeant de eTF1 (la filiale digitale de la chaîne) qui avait critiqué, à titre privé, la loi Hadopi, après délation par le cabinet de la ministre de la Culture.La première victime d'hadopi ( Dénoncé par Albanel viré deTF1 ) ?

Depuis, Christine Albanel nie avec la dernière énergie avoir demandé le renvoi du cadre. Hadopi: quand Albanel joue les DRH de TF1



La chaîne, elle, assume totalement ce licenciement. Mais personne ne s'exprime sur l'aspect le plus gênant de cette affaire : ce (nouveau) lien entre le gouvernement et la filiale du groupe Bouygues.

Jeudi après-midi, à l'Assemblée nationale, Christine Albanel a « solennellement » nié, avec des accents réellement offusqués, être intervenue :

« Je n'ai jamais demandé, à personne, la tête de qui que ce soit. C'est pas quelque chose que je ferais, jamais, c'est vraiment pas dans mes habitudes, c'est pas dans ma nature. » (Voir la vidéo).


Le cadre en question, Jérôme Bourreau-Guggenheim, avait envoyé avec son adresse personnelle un mail critiquant la loi Hadopi à la députée de sa circoncription, Françoise de Panafieu (UMP). Ce mail, qui détaillait le parcours professionnel du trentenaire et mentionnait sa fonction à eTF1 (responsable du pôle innovation web), a ensuite été transféré au cabinet de la ministre.

Panafieu s'en est aussi expliquée à l'Assemblée, passablement gênée. Mais sa défense est problablement la seule à tenir dans cette affaire : il est normal (et courant) qu'un député demande des précisions techniques au ministère concerné afin de répondre de manière argumentée à un courrier d'électeur.

Le lien avec le ministère serait mentionné dans la lettre de licenciement

Au ministère de la Culture, on se retranche derrière un très laconique communiqué pour ne pas répondre aux questions. Albanel s'y déclare « très surprise par la tonalité et la version des faits présentées par Libération », et « trouve absurdes les accusations du journal ».

Libération affirme pourtant clairement que le patron de Jérôme Bourreau-Guggenheim lui a déclaré que l'e-mail lui était parvenu via le ministère, chose qui serait aussi écrite noire sur blanc dans sa lettre de licenciement ! Toujours selon Libération, le mail aurait été directement adressé à la direction des affaires juridiques du groupe. L'ex-cadre de TF1 témoignait aujourd'hui sur Europe 1. (Ecouter le son)

Rue de Valois, aucune réponse à une question de poids : y a-t-il eu une enquête interne dans le cabinet avant les farouches dénégations de la ministre ?

TF1 fustige les positions « particulièrement radicales » de son salarié sur Hadopi

Le groupe TF1, lui, assume totalement le renvoi de Jérôme Bourreau-Guggenheim, dans un communiqué (puisque le groupe refuse aussi de répondre aux questions) :

« […] Les prises de position particulièrement radicales exprimées publiquement à plusieurs reprises, en cette qualité, par le responsable du pôle innovation web de TF1, ont conduit l'entreprise à se séparer de ce responsable pour deux raisons :

  • Elles sont contraires aux déclarations officielles du groupe TF1, notoirement en faveur de cette loi,
  • Elles sont incompatibles avec ses responsabilités au sein d'e-TF1, filiale du groupe en charge, également, de la lutte contre le piratage sur Internet. »

Seul problème, selon le cadre licencié : ces prises de position n'ont jamais été « publiques ». Cité par Libération, son avocat, Me Noirot, annonce qu'il va saisir les prud'hommes car, « selon le code du travail, un employé ne peut pas être discriminé en fonction de ses opinion politiques ». Me Noirot saisira également la Halde, parce que « c'est une discrimination, un délit d'opinion, c'est purement scandaleux ».

Deux ans après l'arrivée de l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, Laurent Solly, à la présidence d'une autre filiale du groupe, TF1 Digital, cette nouvelle affaire montre, si besoin était, que le cordon est loin d'être coupé entre l'Etat de Nicolas Sarkozy et le groupe de son ami Martin Bouygues.

Un député Verts, François de Rugy, réclame sur son blog la démission de la ministre.

 

Dessin de Chimulus

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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