Affaire Boulin: la piste de l'assassinat politique relancée

Publié le 27 Octobre 2009

Cet ancien ministre gaulliste avait été retrouvé mort dans un étang en 1979. Interrogé sur France inter, un autre ex-ministre, Jean Charbonnel, remet en cause la thèse du suicide. La fille de Boulin va demander la réouverture de l'enquête.

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Trente ans après, quasiment jour pour jour, la thèse du suicide battue en brèche. Révélés mardi par France Inter, plusieurs témoignages, revenant sur la mort de Robert Boulin, ancien ministre du Travail de Valéry Giscard d’Estaing, dans des conditions qui allaient déclencher l’une des plus grandes affaires politico-judiciaires de la Ve République, évoquent un assassinat politique. A rebours de la piste officielle retenue par l’enquête judiciaire. Sa fille, Fabienne Boulin-Burgeat, compte en demander la réouverture.

 

C’était le 30 octobre 1979. Robert Boulin, âgé de 59 ans, était retrouvé mort dans 50 cm d’eau dans l’étang du Rompu à Saint-Léger-en-Yvelines (Photo AFP). Officiellement après avoir avoir absorbé des barbituriques, alors qu’il était mis en cause dans une affaire immobilière à Ramatuelle (Var).

«Je n’ai plus de doute, il a été assassiné»

Mais sur l’antenne de France inter, l’ancien ministre gaulliste Jean Charbonnel, parle, lui, d’un «règlement de compte politique» et assène: «Je n’ai plus de doute, je pense qu’il a été assassiné.» Pour quels motifs? «Des raisons purement politiques et qui allaient plus loin que les simples affaires immobilières», ajoute-t-il persuadé que «la version du suicide ne colle pas».

Peu de temps après la mort de Robert Boulin, Jean Charbonnel a évoqué avec Alexandre Sanguinetti, figure du parti gaulliste, des assassinats commis sous la Ve République. Sanguinetti «m’avait dit: "je crois que c’est un assassinat aussi". Il m’avait cité deux noms de personnalités politiques et une organisation qui pouvaient être impliquées dans cette affaire parce que Robert Boulin était une gêne pour eux, une menace pour eux», rapporte Jean Charbonnel.

Ce récit est corroboré par la fille d’Alexandre Sanguinetti, Laetitia. Dans les deux semaines qui ont suivi le décès de Boulin, «il a très clairement dit: "c’est forcément un assassinat, ça ne peut être que ça"», confirme-t-elle sur France Inter. Laetitia Sanguinetti pointe, elle, des informations détenues par Boulin sur un «réseau de fausses factures». «A partir de là, je crois que Robert est devenu une cible», conclut-elle, «prête» comme Jean Charbonnel à témoigner devant la justice.

D’autres témoins mettent également en doute la thèse du suicide: un assistant légiste ayant participé à la seconde autopsie en 1983 évoque des marques de liens sur les poignets et un «hématome derrière le crâne», suggérant, selon lui, que «cette personne a été assommée». Et un ancien policier, présent sur les lieux, réfute, lui la thèse selon laquelle ces blessures auraient été infligées en sortant le corps de l’eau.

«L’omerta doit cesse sur cette affaire»

L’avocat de la fille de Robert Boulin, Me Olivier Morice, interrogé par l’AFP, juge «incontestablement», que ces «éléments extrêmement importants doivent conduire à une réouverture de l’enquête» et compte faire une demande en ce sens. Et ce pour que «l’omerta cesse sur cette affaire. Il faut arrêter de se masquer la réalité dans ce dossier.» (Ci-contre, Fabienne Boulin. Crédit: AFP/Jacques Demarthon)

Pour la justice, le dossier Boulin est clos depuis septembre 1991: l’enquête ouverte à la suite d’une plainte pour homicide volontaire de la famille, déposée le 7 juin 1983, s’était alors soldée par un non-lieu. Pour conclure au suicide, les juges avaient notamment retenu les huit lettres envoyées par le ministre à la police, à des médias et différentes personnalités, dont Jacques Chaban-Delmas, la veille de sa mort. Et de nombreux témoins avaient raconté qu’il était très déprimé en raison de sa mise en cause dans l'affaire de Ramatuelle. Dans une lettre posthume, Boulin aurait expliqué: «Je préfère la mort à la suspicion, encore que la vérité soit claire.»

En 2007, la famille s’était vu refuser la réouverture de l’enquête malgré la révélation, à ses yeux, d’éléments nouveaux à ses yeux.

Gaulliste convaincu, ministre pendant 16 ans

Gaulliste convaincu et féru de questions sociales, Robert Boulin fut ministre pendant seize ans: secrétaire d’Etat aux rapatriés dans les gouvernement de Michel Debré puis de Georges Pompidou, en charge du Budget dans les divers gouvernements de George Pompidou, secrétaire d’Etat à l’Economie et aux finances; ministre de la Fonction publique, puis de l’Agriculture dans le gouvernement Couve de Murville. Puis ministre de la Santé sous Chaban-Delmas, aux Relations avec le Parlement sous les gouvernements Messmer et Barre, ministre délégué à l’Economie et aux Finances. Et enfin, ministre du Travail et de la Participation sous Raymond Barre. (Ci-contre, Robert Boulin, le 8 novembre 1971. Crédit: AFP)

Quelques semaines avant sa mort, des rumeurs le désignent comme le successeur de Raymond Barre, Premier ministre alors en perte de vitesse. Mais en octobre 1979, un scandale éclate dans la presse: cet homme d’Etat réputé intègre aurait acquis, dans des conditions douteuses, deux hectares de garrigue à Ramatuelle (Var) auprès de son ami promoteur Henri Tournet, déclenchant l’ouverture d’une enquête.

 

Source liberation.fr

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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