Besson et l'identité nationale: un faux débat, mais un vrai leurre

Publié le 27 Octobre 2009

Auteur Juan - Blogueur associé

Un grand débat sur l'identité nationale, est-ce vraiment indispensable? Est-ce surtout avisé? Juan nous explique comment la majorité gouvernementale cherche, par la proposition d'Eric Besson, à redynamiser des valeurs de droite qui sont plutôt en berne.


Dimanche soir sur RTL, Eric Besson a lancé son idée du jour : organiser un débat sur l’identité nationale française d’ici quelques jours. Un vacarme opportun repris par Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, qui, lui aussi, pense que l’UMP doit débattre sur le sujet dans les prochaines semaines. A l’approche des élections régionales, la droite au pouvoir cherche à solidifier une partie de son électorat.

En défendant précipitamment le cinéaste Roman Polanski après son arrestation en Suisse, Frédéric Mitterrand a causé du tort au discours sarkozyen de fermeté en faveur des « victimes ». L’affaire «Mitterrand» qui s’en suivit, à propos de certains écrits sur des expériences de prostitution en Thaïlande, a soulevé l’indignation. La nomination-élection, finalement avortée, du fils Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD, ont achevé de les repères moraux voire politiques à droite. Les élus locaux pouvaient témoigner de la rage de leur électorat. Le Figaro, LE quotidien de Sarkofrance par excellence, a été pris en défaut par ses lecteurs dans des courriers et des commentaires outrés sur son site Web. En quelques semaines, Nicolas Sarkozy a été pris en défaut sur ses promesses d’ordre moral et de méritocratie.
Il fallait réagir.

Vendredi dernier, Nicolas Sarkozy avait profité d’un déplacement dans le Val d’Oise pour apporter son commentaire personnel à l’expulsion de 3 Afghans par charter trois jours auparavant: « L’Etat n’a pas à s’excuser, l’Etat n’a pas à se culpabiliser parce qu’il fait respecter la loi, y compris les arrêtés de reconduite à la frontière. Nous ne changerons pas de cap car il n’y a pas d’intégration réussie sans immigration choisie. »

Dimanche soir, Eric Besson avait les honneurs d’une émission sur RTL pour lancer son idée de débat: « il faut réaffirmer les valeurs de l’identité nationale et la fierté d’être français ». Le ministre annonça alors l’ouverture d’une sorte de Grenelle de l’identité nationale, un «grand débat», dès le 2 novembre et jusqu’en février 2010, dans les préfectures et sous-préfectures, avec les «forces vives» du pays («mouvements associatifs, enseignants, élèves et parents d’élèves de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, organisations syndicales, représentants des chefs d’entreprises, élus locaux, représentants des anciens combattants et des associations patriotiques» aux dires du ministre). Ce débat devrait être structuré en deux parties: « identité nationale » et « apport de l’immigration à l’identité nationale ». Un débat similaire était déjà prévu, avec l’Institut Montaigne, le 4 décembre prochain. François Rachline, son directeur, se réjouit de poursuivre l’exercice : « Le débat en lui-même est plus important que la réponse qu’on va y apporter. Les enjeux de cette concertation sont primordiaux: elle doit permettre de mieux comprendre l’autre et donc d’accepter la diversité, les spécificités de chacun. A terme, elle a pour objectif de faire baisser l’exclusion, d’améliorer l’égalité des chances et plus généralement le vivre-ensemble ».

La « ficelle » est évidemment grosse. Nicolas Sarkozy avait déjà usé de cette tactique en 2007 en annonçant son projet de créer un ministère de l’identité nationale en cas d’élection, l’une des rares promesses tenues par l’ancien candidat parvenu au pouvoir. 30 mois plus tard, ce ministère existe pour ses rafles et ses expulsions.

L'échec de la politique d'Eric Besson
Ce vacarme a succédé à une lettre commune de Nicolas Sarkozy et de Silvio Berlusconi contre l’immigration clandestine en Méditerranée. Les deux chefs d’Etat en appelaient à l’Europe pour définir des actions concrètes contre cette « pression sans précédent sur les frontières extérieures de l’Europe». Dans ce courrier, les deux présidents annoncent la couleur : il faut définir une position commune d’interception maritime, développer les vols groupés d’éloignement, et même créer un programme « Erasmus » pour les gardes-frontières.

Nicolas Sarkozy a ainsi défini ses trois priorités, pour reconquérir l’électorat à droite: immigration, sécurité, ruralité. Michèle Alliot-Marie profite du procès du pédophile Evrard pour relancer le sujet de la castration chimique. Eric Besson lance son débat sur l’identité française. Et Sarkozy parlera aux agriculteurs mardi.
Franck Louvrier, le conseiller en communication du président, confirme: « il y a une volonté du gouvernement d’appuyer l’action sur des sujets sur lesquels on sent qu’il peut y avoir une sorte de relâchement. Il faut que la bride soit tirée. »

L’opposition pourrait préparer la riposte: la politique d’immigration du gouvernement est, suivant ses propres critères, un échec.
•    La politique du chiffre est un échec . Plus de la moitié des expulsés proviennent de Mayotte ou de pays nouvellement européens. Les polices de Sarkofrance ne trouvent pas suffisamment d’immigrés clandestins « modèles » à expulser. Eric Besson est obligé de racler les fonds de tiroir pour trouver des expulsables et de subventionner leurs retours à coups de millions d’euros: ainsi, les 3 Afghans renvoyés dans leur pays en guerre ont touché chacun 2000 euros d’aide au retour (alors qu’ils n’étaient pas volontaires), aux quels s’ajoutent les 2253 euros d’avions et 15 jours de nuités d’hôtels.

•    L’expulsion d’un clandestin coûte environ 33 000 euros : 13 000 euros pour le retenir dans un centre (à en croire la Cour des Comptes), et 20 000 euros pour l’expulsion elle-même.

•    La lutte contre les employeurs de travail clandestin est ridicule: de l’aveu même du ministère, 1500 contrôles seulement ont été effectués sur les 8 premiers mois de l’année.

•    Depuis février, et la publication d’un décret encourageant la délation des filières de passeurs, qui promet une régularisation aux sans-papiers qui dénonceront leur propre passeur, les résultats sont si maigres que le ministre ne les communiquent toujours pas.

•    La France est devenue un repoussoir pour les élites étrangères.

•    La politique de développement se résume à vendre quelques centrales à des dictateurs africains.

En matière d’insécurité, autre épouvantail électoral traditionnel, le bilan n’est pas non plus fameux. Sarkozy a masqué son échec par une boulimie législative. Mais l’opposition aurait tort de céder à cette tentation. Les vrais sujets ne manquent pas : les finances publiques sont désastreuses, le système fiscal est à bout de souffle d’injustices et aux autres niches, la solidarité nationale est en danger. La précarité progresse partout.

Nicolas Sarkozy cherche avant tout à maîtriser l’agenda pour masquer ses échecs.
Besson et l'identité nationale: un faux débat, mais un vrai leurre

Source Marianne2.fr

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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