Eva Joly: «l’immunité présidentielle est absurde et d’un autre temps»

Publié le 1 Novembre 2009

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Recueilli par LAURE EQUY

Eva Joly, le 28 mai 2009 lors d'un meeting dans le cadre de la campagne européenne d'Europe

Eva Joly, le 28 mai 2009 lors d'un meeting dans le cadre de la campagne européenne d'Europe Ecologie. (AFP Frank Perry)

Ancienne juge d'instruction en charge de l'affaire Elf, l'eurodéputée (Europe Ecologie) Eva Joly se félicite d'une «victoire démocratique et d’une victoire pour la transparence» à propos du renvoi en correctionnel de Jacques Chirac dans l'affaire des chargés de mission de la ville de Paris.


Que pensez-vous du renvoi de Jacques Chirac devant un tribunal correctionnel ?

Je suis très soulagée par la décision de Xavière Simeoni. Il s’agit d’une victoire démocratique et d’une victoire pour la transparence. L’opinion et la presse vont savoir ce que contient le dossier. Ensuite, le tribunal décidera si certaines personnes sont coupables mais la décision de renvoi permet déjà la transparence. Mettre un couvercle dessus tel que l’aurait voulu le parquet aurait laissé ce doute. Le doute va pouvoir être levé, dans un sens ou dans un autre.

Cette décision démontre aussi que les citoyens sont tous égaux devant la loi. Cela aura été choquant de renvoyer uniquement les anciens directeurs de cabinet de la Ville de Paris, et non l’ancien président de la République et ancien maire de Paris. C’est aussi une mesure de justice puisque le tribunal pourra connaître l’ensemble des faits.

Que répondez-vous aux proches de Jacques Chirac qui critiquent cette décision en faisant valoir l’ancienneté des faits qui lui sont reprochés ?

Ce n’est pas la justice qui en est responsable, mais l’immunité présidentielle dont Jacques Chirac a bénéficié jusqu’en 2007 et qui a gelé l’enquête pendant douze ans. C’est tout de même fort de café d’avoir pu se soustraire avec l’argument de l’immunité et de dire, aujourd’hui, que les faits sont trop anciens ! Et il ne faut pas confondre immunité et impunité qui mine la démocratie.

L’immunité présidentielle est d’un autre temps, moyenâgeuse même, et absurde. En particulier pour des faits commis hors de l’exercice de la fonction présidentielle. Ce qui est le cas pour ce dossier, les faits étant antérieurs à l’arrivée de Jacques Chirac à l’Elysée. On devrait, au moins, envisager que l’immunité ne couvre que les actes commis dans l’exercice de la fonction présidentielle.

Cette décision intervient aussi sur fond de suppression annoncée du juge d’instruction...

Si l’enquête avait été dirigée par un procureur aux ordres, le tribunal n’aurait jamais été saisi. Ce renvoi en correctionnelle illustre à merveille combien la réforme voulue par Nicolas Sarkozy est suspecte. Le pouvoir politique n’aime jamais, nulle part, le pouvoir judiciaire.

Le parquet dispose de cinq jours pour faire appel de cet ordonnance de renvoi. Pensez-vous qu’il le fera ?

Que le parquet fasse appel de l’ordonnance de renvoi est réellement exceptionnel. Je ne pense pas qu’il prendrait ce risque car l’opinion va devenir juge. Devant la force de la vérité, cela ne tiendrait pas. Il y a un minimum de décence et la décence veut que l’on respecte la décision du juge d’instruction. Rien n’empêchera les avocats de Jacques Chirac de présenter, à l’audience, tous leurs arguments. A la lumière publique.

 

Source  Liberation.fr

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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