Légion étrangère : victime d'un tir dans les couilles, il porte plainte

Publié le 26 Octobre 2009

Blessé par un sergent lors d'un exercice, le légionnaire Z a subi des pressions pour le dissuader de porter l'affaire en justice

Des "pionniers", sapeurs de la Légion étrangère, défilent sur les Champs-Elysées le 14 juillet 2008 (Vincent Kessler/Reuters)

Que les lecteurs me pardonnent ce titre racoleur. Il a simplement pour but de donner envie de lire cette nouvelle histoire choquante qu'est venu raconter à l'Adefdromil le légionnaire Z, en service au 2e régiment étranger de parachutistes (REP) au moment des faits.

Rappelons que ce régiment, basé à Calvi en Corse, qui se dit l'élite de l'armée française et dont la devise est « More majorum » (« d'après la coutume des ancêtres », en latin), a sauté sur Kolwezi en 1978 et a défilé sur les Champs Elysées le 14 juillet 2009.

 

Les réponses
de l'armée
Rue89 a interrogé le service de presse des armées sur cette affaire.
On y souligne que la « lourdeur » de la sanction infligée au sous-officier (quarante jours d'arrêt) « témoigne à elle seule du sérieux avec lequel cette affaire a été traitée par le chef de corps du régiment ».
Ce dernier « a signalé les faits au procureur du tribunal de grande instance de Bastia en mars 2008 », soit un mois avant que le légionnaire Z ne porte plainte.

Cette histoire semble malheureusement exemplaire des pratiques de la Légion en cas de violences commises par un supérieur sur un subordonné.

Z a eu le malheur de tirer (à blanc) au lieu de faire « Pan, pan ! »

Z est originaire de Slovaquie. C'est un solide gaillard de 24 ans. En mars 2004, il s'engage pour une durée de cinq ans à la Légion et il est affecté au 2e REP en 2006, après avoir servi au 3e régiment étranger d'infanterie (REI) en Guyane.

Lors d'un exercice de combat en Corse, au camp Frasselli, le 12 janvier 2008, il est chargé de jouer le rôle de l'ennemi selon les ordres du directeur d'exercice, le sergent M. En termes militaires, cela s'appelle « faire le plastron ».

Selon lui, il a reçu pour instruction de tirer -à blanc évidemment- avec son fusil Famas contre la patrouille des légionnaires à l'exercice, qui arrive à un carrefour. Mais, soit que les ordres aient été mal donnés, soit qu'ils aient été mal compris, ce que voulait le sergent, c'était une simulation de tir à la voix : « Pan, pan ! »

La faute irrite profondément le sergent M, sous-officier qui dirige l'exercice.

Celui-ci se précipite sur Z, furieux, en lui demandant pourquoi il n'avait pas respecté ses ordres. Puis, il pointe son fusil d'assaut Famas à l'entre-jambes de Z, et lui décharge une rafale à blanc à bout portant, au niveau des parties génitales… avec un sourire que ne comprend toujours pas Z.

Une carrière militaire fichue, une vie d'homme altérée

Le bilan de cette manœuvre, tout empreinte de délicatesse légionnaire, est simple.

Après avoir subi deux opérations et éprouvant des douleurs extrêmes, Z doit se faire retirer un testicule lors d'une troisième opération pratiquée en secteur civil en avril 2009. En termes médicaux, l'opération s'appelle une « orchidectomie ».

Pour le reste, si on ose dire, ce n'est pas brillant. Certes, il peut encore procréer, mais les douleurs au niveau de la ceinture abdominale sont telles, qu'elles lui interdisent d'avoir des rapports sexuels.

A 24 ans, non seulement la carrière militaire de Z est fichue, mais sa vie d'homme est sérieusement altérée.

Dessin de Jul

L'auteur de cette agression stupide et criminelle aux conséquences dramatiques a continué d'encadrer le stage de caporal comme si de rien n'était. Il a été généreusement puni de 40 jours d'arrêts -effectués en chambre en dehors des heures de service lorsqu'on est sous-officier.

Il ose prétendre, au mépris de l'expertise balistique judiciaire et de la logique de l'utilisation d'une arme à feu, qu'il s'agirait d'un simple accident, que son doigt aurait glissé sur la queue de détente.

Lorsqu'on sait que pointer sans raison valable son arme même chargée à blanc constitue une grave faute professionnelle, on ne comprend pas la mansuétude de la Légion qui se dit « troupe d'élite » et qui tolère ainsi de tels amateurs dans ses rangs.

Un rapport « circonstancié »… qui ne dit pas qui a tiré la rafale

M. poursuit, en tout cas, allègrement sa carrière au 2e REP, régiment où a servi aussi et hélas, le légionnaire d'origine slovaque Jozef Tvarusko, décédé en mai 2008 sous le soleil de Djibouti après avoir reçu des coups de ses chefs et après qu'on lui a refusé de l'eau…

Le rapport prétendument « circonstancié » du capitaine Albrecht, commandant la 3e compagnie établi le 1er février 2008 et approuvé par le colonel Houdet, commandant le régiment, ne permet pas de connaître l'auteur de la blessure :

« L'élève caporal … a reçu à bout portant une rafale de Famas de 2 cartouches de munitions d'exercice avec appareil de tir à blanc. Il a ressenti une vive douleur au niveau des testicules. »

Pourquoi taire l'identité de l'auteur des faits, si ce n'est pour faire obstacle à la manifestation de la vérité ? L'article 434-4 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait « d'altérer un document public de nature à faciliter la découverte d'un crime ou d'un délit, la recherche des preuves ou la condamnation des coupables ». On devrait donner des cours de droit à la Légion…

Z subit tracasseries administratives et pressions diverses

Plusieurs officiers et gradés du 2e REP ont dissuadé fortement Z de porter plainte. Selon la victime, même le représentant à Calvi de l'Association générale de prévoyance militaire (AGPM), qui a l'exclusivité des contrats d'assurance pour les engagés de la Légion, lui a indiqué que s'il déposait plainte, il ne recevrait aucune aide de sa part pour demander l'indemnisation à laquelle il a droit.

Il est vraiment sympathique de se sentir épaulé par son assureur lorsqu'on est victime de faits survenus en service et en principe garantis.

Z est passé outre. La gendarmerie a procédé à une enquête et un dossier pénal a été constitué. Menacé de représailles dans son régiment, Z a été contraint de demander à être affecté à Castelnaudary courant 2008 après plusieurs mois d'indisponibilité, en perdant ainsi l'indemnité pour services aériens.

Puis il a été placé en congé de longue maladie, ce qui a eu pour effet de prolonger son contrat au-delà de son engagement initial de cinq ans.

Lorsqu'il a demandé à recevoir la copie de son dossier administratif et médical comme la loi lui en donne le droit, un officier de Légion a eu le culot d'exiger qu'il fournisse les motifs de sa requête et le nom de son avocat, informations qu'il n'a pas à produire, bien évidemment.

Encore une fois, la Légion tente de protéger les bourreaux

Au-delà de ce drame humain pour lequel il est indispensable que justice soit faite, ce qui est indigne et scandaleux, c'est la tentative de cadres de la Légion de minimiser les faits et ses conséquences, de dissuader Z d'utiliser les voies de droit, de protéger l'auteur d'une blessure très grave au mépris des droits élémentaires de la victime.

Pas besoin de sortir le code du légionnaire pour comprendre le parjure de tous ceux qui ont couvert cette infamie, il suffit de se référer aux lois de la République. Malheureusement, ce n'est pas la première fois qu'à la Légion, on tente de protéger les bourreaux et de rejeter les victimes !

En attendant que l'affaire vienne en justice, souhaitons simplement que M, l'auteur présumé des faits et encore innocent à ce jour, n'en profite pour quitter la France et fuir ses responsabilités, comme l'ont fait deux des protagonistes de l'affaire Tvarusko, ou qu'il ne soit envoyé opportunément ou par erreur en Afghanistan !

 

Photo : des « pionniers », sapeurs de la Légion étrangère, défilent sur les Champs-Elysées le 14 juillet 2008 (Vincent Kessler/Reuters).

►Cet article a été publié initialement sur le site de l'Adefdromil le 14 octobre 2009.

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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