Quand Sarkozy décore Barbier, Fottorino et Chabot...

Publié le 27 Octobre 2009

Auteur Régis Soubrouillard - Marianne

Cette semaine, les fantassins de la majorité ont sorti l'artillerie lourde contre les médias. Chabot, Fottorino, Barbier, toute la clique des éditorialistes en a pris pour son grade. Même les six toutous du Figaro convoqués à l'Elysée pour l'interview la plus trash de l'histoire du journalisme se seraient fait tancer par le Roi Sarko.


Quand Sarkozy décore Barbier, Fottorino et Chabot...
Maîtrise de la conversation nationale, politique du communiqué, aboyeurs professionnels, suivisme médiatique, Nicolas Sarkozy s’était installé dans une relation de confort avec le monde journalistique. La méthode fonctionne tant que le charme politique opère. Les barons de l’audiovisuel sont dans leur rôle : TF1 fait son boulot de relais de la parole officielle, le service public est plus fébrile que jamais et Canal-Plus, qui a définitivement sombré dans le ludo-politique, ne transgresse plus rien du tout.

La même exégèse serait facile à faire pour ce qui concerne les radios et la presse. Chacun joue sa partition. Preuve que rien n'a vraiment changé dans le landernau politico-médiatique, un article du Point signé Charlotte Chaffanjon qui vient nous expliquer, sans rire, qu'il y a un effet Douillet qui «valide la stratégie de Nicolas Sarkozy». Seule différence notable: aux abois, le commentaire élémentaire devient une attaque politique et la Sarkozie autrefois triomphante ne supporte plus la pensée déviante. La patience n’étant pas la première des qualités du monarque, Sarkozy a donc décidé de siffler, comme son obligé Etienne Mougeotte « la fin de la récré ». Médiatique en l’occurence. La consigne est de taper sur « la gueule » des journalistes. Attention à ceux qui croiseraient un sniper sarkozyste dans un couloir obscur.

Le président de la République a donné pour consigne à ses proches de faire feu de tout bois, et de rappeler à cette presse ingrate combien elle a vendu du papier grâce à Sarko et les millions d’euros que l’Etat dépense chaque année en pages de pubs (comme par hasard le chiffre a été rendu public cette semaine…).

L'UMP sonne la charge contre les médias
Le Point du 22/10 - p.40
Le Point du 22/10 - p.40
La première salve a été l’œuvre de Frédéric Lefebvre, dénonçant au micro de Jean-Michel Aphatie la clique des journalistes intrépides qui tente « par tous les moyens, à détruire le président de la République ».
Marianne2 imaginait déjà la réunion des Aphatie, Demorand, Duhamel, éditorialistes et autres rédacteurs chefs de la place parisienne, réunis régulièrement en société secrète pour décider des thématiques susceptibles de faire vaciller la République.

Comme un seul homme, c’est tout l’UMP qui a sonné la charge : Xavier Darcos, en bon petit soldat du sarkozysme dénonçant « cet effort de déstabilisation de notre camp organisé par les médias », Xavier Bertrand dénonçant le « déversement politico médiatique ».
David Douillet saluant une « victoire collective » à la législative partielle dans les Yvelines, obtenue malgré « les aléas journalistiques » et les « joutes médiatiques ». Puis ce fut au tour de Jean-François Copé pointant « des campagnes dans les médias qui sont d'une violence absolument inouïe ». Selon lui, les relations entre médias et politiques devraient être « revisitées, modernisées, comme cela s'est fait dans d'autres pays ». Sans préciser si sa conception de la modernisation de la relation médias-politiques devait trouver son inspiration du côté de Pyongyang ou de Washington. Car même à trop idéaliser  le journalisme à l’américaine –ce qui est souvent le cas-, Sarkozy peut savourer ces douillets  - euh, pas le judoka - moments d’interviews au coin du feu, avec Madame Ferrari et Monsieur Pujadas, où jamais un mensonge, une contre-vérité ne sont relevés.

Cela n’a pas suffi. Depuis plusieurs mois, la tension monte et Sarkozy a ses têtes de turcs. Parmi ses cibles favorites : Christophe Barbier - jadis pistonné par Madame - qui lors d’une rencontre « off » en présence d’autres éditorialistes de la place (Catherine Nay et Alain Duhamel notamment) aurait reçu une « avoinée » sympathique pour certains de ses éditos. C’est notamment le traitement de son malaise estival que le chef de l’Etat a mal digéré. Barbier lui-même a avoué avoir passé un quart d’heure chaud « il m’en a mis plein la figure pour avoir mis en cause la communication de l’Elysée à ce moment-là ». Si elle ne souhaite pas s’exprimer plus avant sur la question, on sait qu’Arlette Chabot a aussi passé un sale moment à Washington avec le président de la République qui reprochait au service public l’absence d’émissions politiques.

Les Dassaultboys embedded pour une battle-interview présidentielle
Plus surprenant –et ça en dit long sur l’état de nervosité du chef de l’Etat qui ne reconnaît même plus ses petits-, selon Emmanuel Berreta, journaliste au Point, Nicolas Sarkozy aurait également ciblé le directeur du Monde, Eric Fottorino, loin d’être un foudre de guerre, ainsi que, cela paraît relever du surnaturel, les journalistes du Figaro venus l’interviewer la semaine dernière. Comme on le comprend, car l’armée espagnole des six redoutables Dassaultboys convoqués, à la dernière minute par l’Elysée, pour l’occasion a littéralement bombardé le président de questions frisant l’insolence gamine. Armés jusqu'aux dents, c'est une rafale de questions qu'a dû subir le président. Sans compter l’appel à l’insurrection immédiate lancée par un Etienne Mougeotte, en pleine possession de ses moyens, véritable Che Guevarra de l’édito politique, et à ce titre leader des troupes d’élites de la lutte anti-Sarko. Bref, un napalm d’impertinences auquel le chef de l’Etat ne pouvait pas ne pas répliquer. Banzaï !  
Le journal a évoqué cet épisode en une phrase transformant la colère présidentielle en une formule beaucoup plus diplomatique : «le climat médiatique est par construction politisé». Certes.

Entre les lignes, on devine une certaine fébrilité au sein du journal. Aujourd’hui Charles Jaigu, qui était lui même du charter de l’Elysée pour la battle-interview présidentielle, fait un petit billet intitulé « le président critique les commentateurs ». Pour la première fois, comme toujours avec un temps de retard, le journal se permet donc d’aborder le courroux présidentiel envers les médias. Sans jamais commenter les propos du président. Il est des lignes jaunes infranchissables.

L’éditorial d’Etienne Mougeotte, déjà cultissime, a suscité un certain émoi au sein de la rédaction. Les éditorialistes du titre seraient quelque peu gênés aux entournures par tant de vassalité affichée. Et pour les journalistes, une question se pose : Mougeotte a-t-il définitivement franchi un pallier, délaissant son fauteuil de chef du journal de la majorité pour s’afficher directement comme postulant au titre de chef de la majorité. Ce qui aurait au moins le mérite de clarifier le statut largement bancal de l’intéressé…


Source  marianne2.fr

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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