Trois chefs policiers en garde à vue après l'interpellation du numéro deux de la PJ à Lyon

Publié le 30 Septembre 2011

LEMONDE.FR | 30.09.11 

 

Le numéro 2 de la PJ de Lyon, Michel Neyret, en octobre 2009.

Le numéro 2 de la PJ de Lyon, Michel Neyret, en octobre 2009.AFP/PHILIPPE MERLE

C'est peu dire que la nouvelle fait l'effet d'un cataclysme dans le milieu policier. Le numéro deux de la police judiciaire (PJ) de Lyon, Michel Neyret, a été placé en garde à vue, jeudi 29 septembre, dans le cadre d'une enquête pour corruption, trafic international de stupéfiants et blanchiment d'argent, enquête qui pourrait éclabousser d'autres policiers et devenir un "scandale" de grande ampleur.

>> Portrait : "Michel Neyret, une icône du milieu des enquêteurs"

Vendredi 30 septembre, selon une source proche de l'enquête, trois autres chefs policiers étaient déjà placés en garde à vue. Deux sont des commissaires : le patron de la brigade de recherche et d'intervention de la PJ lyonnaise, et le chef de son antenne grenobloise. Le troisième, un commandant, est l'adjoint de ce dernier.

 LIENS "AVÉRÉS AVEC LE GRAND BANDITISME"

Cet adjoint à la direction interrégionale de la PJ de Lyon a été interpellé jeudi matin chez lui et devait être placé en garde à vue à Paris, après son transfèrement dans le cadre de ce dossier suivi par la JIRS (juridiction interrégionale spécialisée) de Paris. Selon une source proche du dossier, l'épouse du commissaire Neyret, qui tient un hôtel ou des chambres d'hôte de luxe dans la région, a également été placée en garde à vue. Trois trafiquants de drogue présumés ont parallèlement été placés en garde à vue à la brigade des stupéfiants parisienne dans l'enquête initiale qui a conduit à l'arrestation de M. Neyret.

Jeudi après-midi, des auditions de collègues et subordonnés de Michel Neyret, tous chargés de la lutte contre les trafics de stupéfiants, avaient lieu sur place, selon la même source, qui ignorait s'il s'agissait de gardes à vue. Selon des sources policières, qui prédisent un "scandale" ou une "onde de choc", dans la police notamment, d'autres fonctionnaires de police "voire des magistrats" pourraient ou devaient être "rapidement mis en cause".

PERQUISITION À GENÈVE

Parallèlement, une perquisition de grande ampleur a été menée à Genève, jeudi, dans le cadre de cette affaire. Comme l'a appris Le Monde, une importante documentation a été saisie dans plusieurs établissements bancaires et sociétés financières de la place. Contacté, le procureur genevois Jean-Bernard Schmid a expliqué avoir mené cette action dans le cadre d'une demande française d'entraide judiciaire. Il a été épaulé par plusieurs enquêteurs de la brigade financière genevoise. Il confirme ainsi " l'existence à Genève de réseaux d'argent " liés à Michel Neyret, et ajoute qu'il va falloir maintenant étudier les pièces saisies pour en savoir plus.

A Genève, une source s'exprimant sous couvert de l'anonymat précise que l'enquête actuellement menée pour corruption, trafic international de drogue et blanchiment concerne "toute une équipe, un réseau de personnes" . Elle estime que "cette histoire risque d'être très douloureuse pour les collègues lyonnais ", étant donné "le caractère très populaire de Michel Neyret".

Le même jour, un homme d'une trentaine d'années, connu de la justice pour des faits d'escroquerie, a été arrêté à Cannes pour son implication dans le volet financier de cette affaire, selon une source proche de l'enquête. Arrêté par les policiers parisiens de l'inspection générale des services (IGS), l'homme, qui menait grand train, mettait notamment à la disposition du commissaire Michel Neyret des véhicules de luxe, Ferrari ou Rolls-Royce, lors de ses séjours sur la Côte d'Azur, selon cette source.

"DES TÊTES VONT TOMBER"

L'affaire ne date pas d'hier et a été traitée, depuis plusieurs semaines, par la JIRS parisienne et la "police des polices", avec la plus grande discrétion, selon ces sources. Elle vise un trafic international de stupéfiants, vraisemblablement une filière colombienne de cocaïne qui est au cœur de l'enquête et a été démantelée en région parisienne il y a plusieurs mois. Dans cette affaire, des malfaiteurs avaient échappé aux enquêteurs, qui s'en sont émus et ont porté des soupçons sur des policiers, d'où la saisine de la police des polices.

Au fil de leurs investigations et des écoutes, toujours selon les sources policières et selon les tout premiers éléments d'une enquête "évolutive", les juges parisiens de la JIRS et l'inspection générale des services ont mis en évidence des "liens entre le grand banditisme" en cause dans cette affaire et des policiers, commissaires et officiers. Certains ont "été balancés par le milieu du grand banditisme", des "truands français et italiens", selon l'une des sources, qui incitait pour cette raison "à la prudence". L'enquête pourrait "réserver des surprises" et "s'étendre" par exemple à Nice ou à Marseille, a-t-on ajouté.

Des comptes bancaires à destination de la Suisse, vraisemblablement alimentés par l'argent de la drogue, ont été découverts, orientant également les investigations vers du possible blanchiment. M. Neyret, qui a été en poste à la PJ de Nice, "doit s'expliquer" sur tous ces aspects, a-t-on ajouté. "Il conteste les faits, a des explications à donner, répond logiquement à des questions logiques", a déclaré vendredi son avocat, Me Yves Sauvayre. "Il n'y a pas eu de confrontation pour l'instant, simplement des auditions", a-t-il ajouté, précisant que la garde à vue pourrait être prolongée samedi.

LES SYNDICATS TRISTES POUR LA POLICE

"Je suis catastrophé, c'est un cataclysme", a déclaré le directeur interrégional de la police judiciaire de Lyon, Claude Catto, dont Michel Neyret était l'adjoint. "C'est une énorme trahison, une énorme désillusion si les faits qui lui sont reprochés sont avérés", a dit une source proche du dossier à propos de ce commissaire bien vu par sa hiérarchie. Preuve de la gravité du dossier, le directeur central de la police judiciaire, Christian Lothion, s'est rendu à Lyon jeudi. Si les faits sont avérés, des "têtes vont tomber", prédisent des sources. Il y a "sans doute des brebis galeuses dont on entend parler depuis pas mal de temps", mais "attention à ne pas se précipiter", avertissent-elles.

Du côté des syndicats policiers, c'est la stupéfaction. "C'est un drame en interne", a déclaré à l'AFP la secrétaire générale du Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCPN, majoritaire), Sylvie Feucher, et "c'est traumatisant". "C'est, en l'état des investigations, un scandale, y compris vis-à-vis de la population qui est en droit d'attendre autre chose de sa police", a-t-elle ajouté. Mme Feucher a par ailleurs insisté sur les "difficultés" et les "risques" du métier de policier, qui "peut basculer", ce qui "est inadmissible si c'est avéré".

"Je suis triste pour la police et en colère", car cela "jette l'opprobre sur elle", a expliqué pour sa part Dominique Achispon, secrétaire général du Syndicat national des officiers de police (SNOP, majoritaire).

Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie (2e syndicat d'officiers), attend les conclusions de l'enquête. Il trouve "sain que ce soient des policiers qui enquêtent sur d'autres policiers afin de chercher la vérité".

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Dans le Monde, édition du 1 octobre 2011

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Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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