Vœux : ce que Nicolas Sarkozy aurait pu dire aux Français

Publié le 1 Janvier 2010

Photo : Nicolas Sarkozy, lors des voeux présidentiels au corps diplomatique, le 1er janvier 2009 (POOL New/Reuters)

(Mis à jour) Que retenir des voeux de Nicolas Sarkozy aux Français, jeudi soir ?

  • L'appel à « débattre sans nous déchirer » ou sans « s'injurier » ?
  • Ou la promesse que si vous avez aimé les réformes de 2009, vous adorerez celles de 2010 ?
  • Ou encore la réaffirmation par le chef de l'Etat qu'il n'est pas homme à se laisser abattre par un revers, allusion à la décision du Conseil constitutionnelde retoquer la taxe carbone qui sera reformulée dès le 20 janvier ?

Quoi qu'il en soit, le président ne s'est guère apesanti sur les difficultés sociales des victimes de la crise et que le début de reprise n'allègera pas, ou sur les dérapages coupables auxquels le débat sur l'identité nationale déclenché par son gouvernement a donné lieu.

Il s'est voulu positif pour l'économie française en 2010, a lancé des appels à l'unité et s'est voulu positif, mais rien pour faire changer d'avis la majorité des Français qui, dans les dernières études d'opinion, ont cessé de lui faire confiance.

On pouvait espérer mieux. Ce discours parraissait bien pâle par rapport à une édition précédente des voeux rituels du président.

Un peu plus tôt, je m'étais livré à un petit jeu : une note pour Henri Guaino, « speechwriter » présidentiel avant les vœux

de Nicolas Sarkozy pour 2010 : faites un copié-collé des vœux de 2008, et ajoutez-y un peu de contenu. Pour le copié-collé, ça sera pas trop difficile, à l'Elysée on sait faire

Il y a deux ans, avant la crise, c'est-à-dire il y a fort longtemps, Nicolas Sarkozy avait sorti une idée géniale dans son message de Nouvel An, laissant les télespectateurs perplexes à l'heure du réveillon : une « politique de civilisation ». Les plus intellos d'entre eux avaient vite repéré la source non créditée de ce concept : les sociologues Edgar Morin et Samir Naïr, eux-mêmes tout surpris de cet emprunt provenant d'un imprévisible président de la République.

La politique de civilisation n'a fait qu'un petit tour avant de disparaître dans les oubliettes des bonnes trouvailles présidentielles, sans avoir jamais été explicitée ni développée, autrement que par un catalogue de bonnes intentions : « l'école », « l'intégration », les « droits de l'homme », le « goût de l'aventure et du risque »…

Sarkozy a eu raison trop tôt

Mais le timing n'était pas le bon. Nicolas Sarkozy, ou plutôt son speechwriter, avaient eu raison trop tôt. C'est aujourd'hui, alors que les économies occidentales commencent à sortir de la récession, que la France a besoin d'une « politique de civilisation », au sens où l'entendaient Edgar Morin et Samir Naïr, c'est-à-dire une tentative de corriger les effets négatifs d'un demi-siècle de développement productiviste.

Morin et Naïr avaient spécifiquement visé, dans leur livre publié il y a plus d'une décennie, l'affaiblissement des solidarités, la déshumanisattion des villes, la désertification des campagnes, tout autant de thèmes qui restent d'une actualité criante.

Avec plus d'un demi-million de chômeurs supplémentaires depuis les vœux présidentiels précédents, un Etat surendetté et un gouvernement qui patine et a perdu son souffle ; au lendemain, de surcroît, d'un débat sur l'identité nationale qui s'est transformé en déversoir nauséabond des fonds de tiroir lepénistes, c'est peu dire que la situation décryptée par les deux sociologues n'a fait que se détériorer. Sans oublier l'échec de Copenhague et les nouveaux équilibres mondiaux qui laissent la France et l'Europe affaiblis.

On attendrait des vœux présidentiels qui nous annoncent, non pas des lendemains qui chantent, mais une vraie vision d'avenir pour la société française, pour la France dans le monde.

Alors Henri Guaino, ne vous fatiguez pas, reprenez votre prose de 2007, elle était parfaite : veillez simplement à ce que les mots ne restent pas de vaines paroles, que la « politique de civilisation » ne soit pas qu'un gadget de speechwriter mais un véritable programme de société pour la France de l'après-crise. C'est le 31 décembre, on peut rêver. La réalité du discours de jeudi soir a mis fin au rêve.

 

Photo : Nicolas Sarkozy, lors des voeux présidentiels au corps diplomatique, le 1er janvier 2009 (POOL New/Reuters)

Mis à jour le 31/12 à 20h30, après le discours prononcé par Nicolas Sarkozy.

Rédigé par jeanfrisouster

Publié dans #citoyens d'europe

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